Synthèse:
Le présent rapport examine les programmes de drones de cinq groupes non étatiques opérant au Moyen-Orient: le Hezbollah, le Hamas, le Mouvement Houthi, l’État islamique (EI) et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Contrairement à d’autres groupes armés non étatiques, ces cinq groupes ont démontré une habileté à innover dans leurs tactiques et/ou techniques d’utilisation des drones, ont soutenu un engagement à long terme dans le développement de technologies de drones, et ont prouvé leur capacité à développer des infrastructures de drones. Ces cinq groupes ont développé leurs programmes de drones différemment en termes de délais, de méthodes, de stratégies et de tactiques. Par conséquent, ce rapport rejette l’idée selon laquelle les programmes de drones de tous les groupes non étatiques suivent des parcours de développement identiques. Au contraire, nous soutenons que l’utilisation de drones par un groupe terroriste doit être replacée dans le contexte des objectifs stratégiques globaux de ce même groupe. De ce fait, nous soutenons que les États et les forces militaires qui s’opposent à ces groupes doivent d’abord comprendre ce qu’un groupe en particulier espère accomplir avec des drones afin de cerner pleinement la menace en question et, deuxièmement comprendre les défis spécifiques présentés par l’innovation dans les programmes de drones (par opposition à l’utilisation épisodique de drones). Ce rapport offre de plus un cadre pour l’étude de l’innovation en matière de drones qui n’est pas limité à ces groupes et qui peut également s’appliquer à d’autres groupes à l’avenir, décrivant cinq voies différentes que les groupes non étatiques ont empruntées pour développer la technologie des drones.
Cet article apporte trois contributions importantes à l’état des connaissances sur ce sujet grâce à la collecte et à l’analyse systématiques de données empiriques.Tout d’abord, nous suggérons qu’il est nécessaire de recentrer l’attention sur les méthodes d’emploi de drones les plus courantes et empiriquement éprouvées plutôt que sur la menace la plus médiatisée, soit celle des armes de destruction massive (ADM) déployées par des drones. Nous n’avons trouvé aucune preuve qu’un groupe non étatique ait sérieusement tenté de lancer des armes de destruction massive (ADM) en utilisant des drones. Alors que certains éléments indiquent que l’État islamique (EI) ait mené des programmes d’armes de destruction massive (ADM) et de drones en parallèle, rien ne démontre qu’il ait cherché à intégrer les deux. Les experts en sécurité devraient donc concentrer leur attention sur les utilisations empiriquement avérées des drones par des groupes armés non étatiques, ainsi que sur la pluralité des moyens par lesquels les drones peuvent contribuer aux activités de ces groupes.
Deuxièmement, les travaux de recherche et de planification de la sécurité doivent se concentrer sur le danger précis que représentent les programmes de drones (par opposition à l’utilisation occasionnelle de drones) et sur le potentiel d’innovation dans l’utilisation des drones. Dans leur lutte contre les programmes de drones, les nations et les forces armées doivent rester concentrées sur l’innovation et l’adaptation. Elles doivent comprendre comment les organisations se développent sur les plans tactique, stratégique et technique. Le développement des drones n’est ni linéaire ni statique.
Enfin, ce rapport démontre qu’il n’existe pas de parcours de développement unique concernant l’utilisation des drones par des entités non étatiques, ni de modèle préétabli que ces groupes chercheraient à suivre afin de renforcer leurs capacités. Chaque organisation utilise les drones de façon unique en fonction de son propre ensemble de paramètres logistiques, politiques et stratégiques ; les programmes de drones doivent donc être replacés dans le contexte plus large des moyens et opérations militaires de l’organisation. Par conséquent, les forces armées et les États confrontés aux programmes de drones doivent adopter une approche holistique. S’ils peuvent tirer des enseignements des pratiques existantes ayant connu des degrés divers de réussite dans la lutte contre les menaces liées aux drones et s’engager dans des actions préventives afin d’atténuer la portée des programmes de drones, les approches doivent envisager les programmes de drones non seulement comme une menace distincte et isolée, mais aussi comme une composante d’opérations, de stratégies et de processus de conflit militaires plus larges.